site de Claudie HUNZINGER, artiste plasticienne et romancière.

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Sur France Culture, visite dans l’antre forestière de Claudie Hunzinger l’enchanteresse (Télérama)

mardi 20 juin 2023, par webmestre

Depuis son repaire vosgien, l’écrivaine invente des récits imprégnés de mousse et d’orties. Et ne répugne pas à un peu de sorcellerie. Dans “À voix nue”, un portrait envoûtant en cinq parties à réécouter en podcast.

Un fouillis de ronces et de fougères traversé de grands cerfs et d’oiseaux… c’est la description que ferait Claudie Hunzinger de son corps s’il était passé aux rayons X. Et pour cause, l’artiste plasticienne et romancière vit isolée en pleine montagne vosgienne depuis plus de soixante ans. À flanc de montagne, sa maison, vieille bâtisse du XVIIIᵉ siècle où elle s’est installée en 1965 avec son compagnon Franck Hunzinger, est enchâssée dans une nature puissante, parfois hostile. « Franck voyait ici un mode de vie semblable à ceux des héros de Giono, se rêvant en berger sur une montagne, à garder les moutons et à lire. Nous sommes alors devenus les explorateurs de cette île aux trésors où notre maison est un bateau », résume l’artiste amarrée à cet océan de verdure.

L’octogénaire a ouvert sa porte à Céline du Chéné pour À voix nue sur France Culture. « Cet endroit est un cœur battant, une matrice », se réjouit la productrice, touchée par la grâce des lieux transformés en fantastique laboratoire de création. Hors du temps, sa série est imprégnée par la poésie singulière de ses éternels amants confinés volontaires au sommet.

La montagne s’étire à travers ses romans, dont Un chien à ma table (éd. Grasset), prix Femina 2022. « Mais cette puissance du vivant demande qu’on s’en protège, prévient-elle. Quand j’écris, je ferme la porte pour ne pas être absolument dévorée par elle. » Du vert au verbe, Claudie Hunzinger ramasse dans la montagne des herbes diverses qu’elle transformera en papier dans son chaudron : « Scolopendre, fougère-aigle, mousse, prêle, orties… chaque plante révèle dans la cuisson sa linguistique et son alphabet. Mais cuire la nature n’est pas anodin. Pour les Indiens, c’est ainsi lui enlever son côté maléfique, car elle est tout à la fois danger, puissance, beauté et ravissement. Finalement, je suis une sorcière qui cuit une sorcière. » Le mode opératoire émerveille et ces papiers issus de végétaux deviennent des œuvres muséales. Sa série de bibliothèques en cendres — du papier teint, rétracté et rapiécé — sonde la violence faite à la culture lors de conflits, comme la Seconde Guerre mondiale, qui a marqué son histoire familiale.

« On peut aujourd’hui agrandir les photos d’autrefois, entrer dans l’image par effraction », détaille-t-elle, revenant sur sa découverte, dans un grenier, de documents racontant l’histoire d’amour incandescente entre sa mère et Thérèse, capturée par la Gestapo, torturée et morte sans avoir parlé. Elle a écrit un livre remarqué sur cette relation passionnelle, Elles vivaient d’espoir (éd. Grasset), suivi du documentaire Où sont nos amoureuses, réalisé par son fils Robin : « Une forme de réparation possible à des vies perdues. »

Claudie Hunzinger dans À voix nue, sur France Culture. Réalisation : Yvon Croizier. 5 × 30 mn.