Accueil > Romans et livres d’artiste > 2010 : Elles vivaient d’espoir, Grasset > "Elles vivaient d’espoir" dans Réforme
"Elles vivaient d’espoir" dans Réforme
lundi 18 octobre 2010, par
Premiers romans à distinguer
Parmi les quelque 700 romans publiés ces jours-ci, voici une première sélection de notre chroniqueur qui a choisi des fictions aux personnages forts : un médecin de campagne du XlXe, des femmes dans l’entre-deux-guerres ...
Le roman de Claudie Hunzinger, Elles vivaient d’espoir, est beau parce que tout simplement simple. Pas d’effets dans ce roman où l’auteur évoque sa mère Emma, institutrice, née dans les premières années du XXe siècle, amoureuse de tout, de la vie, de Thérèse, une jeune femme avec laquelle elle a fait des études et que la distance séparera. Il y a quelque courage d’évoquer ainsi des amours entre deux femmes, mais l’auteur le fait avec une telle droiture et une telle modestie du langage que rien ne semble impossible, ni redoutable, ni indigne dans cette époque de l’entre deux-guerres où rien n’est accepté sur ce plan-là. La manière dont Claudie Hunzinger fait ressortir sa mère à travers les cahiers qu’elle écrit est faite de phrases courtes, décidées, volontaires.
La montée du nazisme en toile de fond, d’autres personnages comme Karl ie communiste aliemand dont Emma est amoureuse, car chez elle, l’amour n’a pas de sexe défini, jusqu’au moment où elle épousera Marcel, un veuf avec deux enfants, avant qu’elle n’en mette au monde quatre autres, jusqu’à son mari alsacien rejoignant le parti nazi, jusqu’à la mort de Thérèse sous les bourreaux de la Résistance, toute cette narration à la fois haletante, reconstruite, documentée d’une fille sur sa mère, dit tout unanimement comme Emma aima, le jeu de mot n’est pas innocent, d’une manière quasi panique, hors de toute morale sociale, poursuivant le but de souffrir par amour volontairement et à chaque fois choisi. Un portrait de femme atypique, un roman dérangeant, un bel éclat littéraire.