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Bambois, la vie verte (Télérama)
lundi 19 juin 2023, par
Par Marine Landrot
Il y a tant de joie, tant de vaillance, chez Claudie Hunzinger. Dans son écriture comme dans sa vie, à la marge, à la volée, tout terrain et tout flamme, pourvu qu’il y ait des fourrés, des forêts, des baies, des baisers, de la lecture à la bougie, de la besogne au grand air. Le prix Femina 2022 a couronné son merveilleux Un chien à ma table, chronique de sa « survivance » d’octogénaire en maison vosgienne coupée de tout, à ramper dans l’herbe après des promenades exténuantes, à cligner de l’œil à son vieux compagnon bougon de lumière, à se fabriquer un lit avec quatre planches et du papier journal, un chien perdu jappant dans leurs pattes.
Ce mode de vie expérimental, empli d’allégresse et de courage, avait déjà nourri d’autres de ses livres, tous chauffés par l’audace d’une langue mêlant l’exaltation et le terre-à-terre. Et ce, depuis le tout premier, Bambois, la vie verte (1973), republié aujourd’hui à fort bon escient. Claudie Hunzinger y livrait en vrac ses impressions de trentenaire pré-soixante-huitarde s’installant dans cette maison abandonnée sans eau courante, tourneboulée par « la somptuosité, le luxe de l’été », où « la nuit s’émiette, semble-t-il, en chants d’oiseaux ».
Sous forme de journal croisé, rédigé avec son amoureux qui allait être de l’aventure pour toujours, se raconte leur quotidien rude, euphorique, d’éleveurs de moutons dont ils teignent la laine dans des bassines de feuilles et de pétales. Avec un premier « bébé qui se fignole en douce », puis un second, les voilà bientôt parents, déjouant l’illusion de « la belle vie, celle qui n’existe pas, celle du paradis : la vie sans la sueur dans la nuque, sans l’abandon au cœur, sans le doute… ». Photos, dessins, inventaires, chansons, souvenirs parcourent les pages d’un frisson dont l’intensité, cinquante ans plus tard, se trouve décuplée, en ces temps d’atteinte au règne du vivant et de besoin de symbiose réconciliatrice avec la nature.